lundi 15 avril 2013

Communiqué officiel de l'association


Veuillez trouver ci-dessous un nouveau communiqué officiel de notre structure, envoyé ce jour à l'AFP, expliquant la décision du personnel de s'implanter sur un nouveau territoire quand les conditions seront réunies, afin de ne pas risquer la disparition du projet.

 

Communiqué de l’association BABY-LOUP

 
Babil, où ?

 
À l'instar de notre Nation, quelque soit l'importance des obstacles, aucun ne peut nous être fatal dès lors que l'on sait prendre de la hauteur. La crise que traverse notre association n'a certes pas de commune mesure avec celle qui obscurcit complaisamment notre devenir commun, mais en partage quelques symptômes. Les tentatives de remise en cause des valeurs qui ont présidées à l’émergence et jusqu’à aujourd’hui au maintien de notre crèche associative dans ce quartier populaire, pourraient opérer en chacune et chacun de nous une frilosité, un repli, dont fort heureusement notre capacité à nous projeter, fruit des valeurs émancipatrices forgées par notre histoire, nous extrait aussitôt. Ce sont ces valeurs qui doivent nous conduire toutes et tous et non leur dilution, permise la plupart du temps seulement par l'ignorance même de leur vertu.

L'avenir de notre association, pour obscur et incertain qu'il puisse paraître aux yeux de certains, n'aura pas raison de notre enthousiasme ni même de la conviction profonde qui nous anime. La perspective de ne plus rien avoir nous renvoie à l'essentiel. Acculés, il nous faut bien admettre qu'y renoncer n'est pas possible.

Toutefois, au regard de l'omniprésence des débats, il est un domaine qu'il nous incombe d'éclairer : celui de la petite enfance, que nous explorons hors sentier depuis 22 ans et pour lequel nous pouvons apporter les fruits de l'expérience. Une expertise au travers de laquelle nous, petite association, saurons extraire le souffle futur de ce secteur, pour peu que nous entendent les renforts et soutiens disposés à se joindre à nous.

Comme prévu et sans plus attendre, l'accusation a saisi la cour d'appel de Paris. Nous répondrons donc prochainement à cette nouvelle étape d’une affaire judiciaire qui pèse depuis plus de quatre années sur notre quotidien.

Puisqu’ils nous furent favorables jusqu'en cassation, les jugements nous auront permis de travailler un peu plus sereinement. Cependant le calme nécessaire à notre activité n’est pas plus assuré aujourd’hui et bien que juridiquement parlant nous puissions toujours nous référer au jugement prud’homal de 2010 quant à l'application de notre règlement intérieur, nous subissons toujours pressions et exigences communautaristes entretenant un climat délétère que notre équipe n'est plus en mesure d'absorber.

L'essentiel de la population française, dans une forte majorité (84% d’après un sondage du Parisien daté du 23/03/2013), souhaite aujourd’hui que la laïcité soit étendue. À tout ce qui a trait à l'enfant pour certains, au secteur privé pour d'autres. Rien ne dissocie notre territoire du reste de la France. Ici comme ailleurs, c’est toujours devant les mêmes minorités agissantes que l'on édulcore la règle commune jusqu'à la rendre incohérente et ce même si les expériences passées, ‒ notamment dans le secteur de l'éducation, ont démontré les vertus bienveillantes de la clarification des principes du vivre-ensemble. Pour conforter la Nation, apaiser les consciences et continuer de construire une société égalitaire dont nous sommes tous fiers, la précision nous semble indispensable.


Or, de toute évidence, nous sommes une Nation particulière, pour laquelle le bien le plus précieux restera toujours celui de l'échange et du débat. « La guerre, c'est la guerre des hommes ; la paix, c'est la guerre des idées » disait Victor Hugo. Voilà notre Nation, prompte à délibérer, consciente de faire oeuvre de paix en semant sans cesse tempêtes sous les crânes et crépitements sous les langues. Voilà notre Peuple frondeur, se projetant sans cesse à l’horizon en gardant ancré dans sa mémoire collective le prix du sang et de la douleur qu'ont payé nos ancêtres pour l’acquisition de nos droits. Voilà notre art de vivre républicain, qui n’oublie pas de leur faire honneur en défendant les valeurs qui nous rassemblent.

La citoyenneté est sans doute ce qui aura prévalu à toute l'histoire de Baby-Loup, structure inespérée d'émancipation concrète et d’accompagnement individuel d’un territoire rassemblant toutes les problématiques du siècle naissant ; projet si particulier qui aura permis de construire en marge du cadre public, grâce à un statut associatif plus souple mais toujours sous la tutelle des institutions, une expérimentation unique et novatrice qui est aujourd’hui le modèle de nombreux acteurs territoriaux, sociaux et gouvernementaux, travaillant à des projets similaires. Duplication à laquelle se destinait d’ailleurs l'association Baby-Loup avant d'être frappée par un jugement dont il faut bien constater qu'il est le reflet d'une France schizophrène.

D'un côté adulée, récompensée, montrée comme un exemple en matière d'insertion, de formation, de solidarité à destination de tous, Baby-Loup serait aujourd'hui et dans le même temps discriminante. Si la France est abasourdie par cette antinomie et porte aujourd'hui une réflexion élargie quant à l'extension pure et simple de la laïcité ‒ comprise comme « neutralité confessionnelle » ‒ au secteur privé, ce débat, quoique honorable, n'est pas tout à fait le nôtre.

Si nous attendons avec intérêt les réponses qui en découleront, juridiquement ou non, force est de constater qu’il occulte celui qui nous préoccupe depuis toujours et qui ne sort pas de notre compétence professionnelle. Encore une fois, et nous le martèlerons sans cesse, nous oeuvrons. Ce terme nous apparaît crucial puisqu'il signifie la réalité de notre statut associatif : nous oeuvrons dans le secteur de la petite enfance. C'est dans ce cadre et autour de cette seule préoccupation que s'est articulée notre association. Que ne s’insinue aucunement dans les discussions actuelles la conscience sociologique volontaire et engagée qui aura façonné notre fonctionnement au fur et à mesure des évolutions des situations économiques et familiales, jusqu'à lui donner sa forme actuelle si admirée, constitue pour nous une énigme amère.

Aussi, aurons-nous à charge de clarifier, de notre côté, non pas l'aspect laïque de ce dossier, mais plutôt la valeur ajoutée que nous pensons apporter au secteur de la petite enfance. Après tout, financée presque intégralement par de l'argent public ‒ hormis la participation des parents et l'heureux soutien d'associations, de fondations ou d'entreprises pour suppléer aux coupes budgétaires ‒ Baby-Loup se doit, ne serait-ce que déontologiquement, d'apporter publiquement en retour le fruit de son expérience. Sans doute, ces années de combat juridique auront eu comme effet collatéral de nous empêcher ce travail de synthèse, sans cesse remis au lendemain du seul fait qu'une équipe, même d'exception comme la nôtre, ne peut pas se multiplier à l'infini.

Rongeur de son temps, ce frein juridique aura aussi fortement entamé sa vitalité. Consultée récemment, l’équipe de Baby-Loup a majoritairement fait le choix de ne pas subir plus avant les tensions et revendications qui renaissent ici. Le conseil d'administration, de son côté, s'est prononcé dans ce même sens. Dans les propos fermes et tangibles de soutien d'un élu prêt à nous recevoir sur le sol qu’il administre ‒ en l’occurrence M. Philippe Esnol, sénateur-maire de la ville de Conflans-Sainte-Honorine ‒, ils ont tous deux estimé qu’un soutien politique local sans ambiguïté permettrait probablement d’évacuer une bonne partie du stress accumulé ces dernières années, au gré de diverses entraves à son activité et de doubles discours à son propos.

Qu'un ministre de la République se lève et réaffirme son soutien inconditionnel à notre structure, est un bien précieux pour une équipe montrée du doigt. Nous ne le remercierons jamais assez, comme tous ceux qui l'ont suivi - citoyens, élus, ministres … jusqu'au président de la République, reconnaissant notre mission comme essentielle. Un soutien local aurait sans doute permis d'apaiser les choses dès l'origine de cette affaire, mais les atermoiements de nos édiles ont plutôt révélé un jeu de complaisance électoraliste avec les minorités, notamment religieuses, donnant du crédit à ce fameux mélange de la carpe et du lapin que jadis nos pairs se sont pourtant employés à combattre en déployant notamment la loi de séparation des Églises et de l'État, en 1905. La laïcité, lorsqu'elle est portée sans ambages par les élus de la Nation, reste un facteur essentiel de paix sociale et de fraternité. Lorsqu’elle se fait le lit d’instrumentalisations réciproques des structures politiques et des groupes d’intérêts, elle constitue au contraire le cadre de compromission qui divise aujourd'hui notre pays. Mais penser les lectures divergentes de notre laïcité n'est pas davantage notre débat.

Notre souci présent est en effet celui de la configuration que prendra notre accueil des enfants dans le futur. Après en avoir débattu en début de séance du 5 avril dernier, le conseil d'administration aura majoritairement retenu l'option du départ. S'en est suivi dépouillement du vote du personnel de la crèche, décidé en réunion d’équipe le 22 mars sous la forme d’une consultation proposant de maintenir la structure sur le territoire chantelouvais ou de la transplanter ailleurs, dans le souci de la préservation de ce même personnel. Les suffrages se sont majoritairement prononcés pour l’hypothèse de la délocalisation. Une décision qui n’a pu qu’être douloureuse, et qui a d’ailleurs apporté son lot de larmes, notre ancrage historique représentant beaucoup, tant pour le personnel que pour une part de la population qui, de génération en génération, a grandi dans nos murs. Comme nous le font régulièrement remarquer les instituteurs locaux, un enfant qui a fréquenté Baby-Loup se repère tout de suite, par son éveil et l’intérêt naturel qu’il porte à autrui. C'est donc un déchirement que seule la perspective d'une transition de quelques mois permettra d’amoindrir. Nous avons d’ailleurs pris l’initiative et le temps d'exposer collégialement la situation aux familles lors d’une réunion exceptionnelle. Bien que solidaires, elles restent conscientes que Baby-Loup exerce seule depuis 22 ans cette mission d'intérêt général en tant que crèche, sans qu’on lui ait jamais reconnue de délégation. Une fois disparue cette structure sur laquelle elle s’adosse depuis bientôt un quart de siècle, la municipalité devra mettre elle-même en place une institution de remplacement garantissant à ses administrés les services qu’ils attendent.

Nous pensons pour notre part ce départ comme une nouvelle étape. Nous ne renoncerons jamais à ce à quoi nous adhérons, d’autant que s'offre à nous aujourd'hui une nouvelle tâche. Tandis que le législateur semble se donner pour but de statuer sur les contours de la laïcité, et que le gouvernement prend acte de l’urgence de repenser les services sociaux pour répondre aux nouvelles géométries des familles, nous ne voudrions pas manquer ce rendez-vous ; aussi nous devons nous d'oeuvrer encore davantage pour le bien des enfants, en mettant prochainement en place des outils permettant de partager le fruit de notre expérience autour de la petite enfance avec tous les acteurs qui la prennent en charge.

Nous savons que notre modèle d’accueil 24h/24 et 7j/7 est aujourd’hui au coeur des réflexions de nombreux ministères ceux notamment des droits des femmes, de la famille, ‒ de la ville et de l'éducation. Comment comprendre, à l'heure où ce dernier en particulier se donne pour objectif d'élever collectivement la conscience de tous nos enfants par l'apport d’une morale laïque, que nous devrions de notre côté les traiter de manière diamétralement opposée ? Nous aurons à répondre de cette incongruité constituant à admettre et à défendre la sanctuarisation des écoles publiques ou sous contrat, mais pas les autres structures impliquant des enfants. « Vous ne toucherez jamais avec trop de scrupule à cette chose délicate et sacrée, qui est la conscience de l'enfant », exhortait Jules Ferry dans la lettre aux instituteurs qui posa les fondements de notre école publique. N’ayons pas peur de nous en souvenir.

Les enfants seraient-ils moins vulnérables avant d'être scolarisés ? La promptitude à déstructurer la notion même de service public au profit d’une marchandisation générale ne pourrait-elle pas s'arrêter au front de ces consciences en devenir, de ces futurs citoyens, ferment de notre Nation future ?

À l'heure où nombres de municipalités ont déjà délégué la gestion de la petite enfance à des entreprises privées, demandons-nous de quoi pourrait être faite l'école publique de demain si nous n'avions pas aujourd'hui le souci de préserver cette liberté de conscience qui prévaut à la liberté religieuse, tant dans les textes que dans l'esprit d'un citoyen digne de ce titre. Encore une fois, ce n'est pas tant de laïcité que nous parlons que de citoyenneté. Aussi ne prétendons-nous pas être une crèche laïque, mais citoyenne sans doute, en ce sens que l'émancipation permet assurément l'accession à la citoyenneté. Paradoxalement, notre fonctionnement s'avère moins coûteux pour la collectivité et s'avère de fait plus attractif que celui de ces entreprises privées, tout en permettant de conserver un service public ; raisons supplémentaires pour lesquelles nous continuerons de le défendre.

Plus que jamais convaincus que notre expérience constitue une réponse concrète, pratique et surtout duplicable aux multiples questions qui se posent à notre République, nous maintiendrons donc notre éthique, où que nous soyons et qu’elle qu’en soit le prix, afin de mettre nos services innovants à disposition d’un nombre toujours plus grand de citoyens.